Dans les dernières années, le nombre de troubles musculosquelettiques (TMS) a augmenté dans la majorité des secteurs d’activité.
Les TMS sont donc une priorité d’intervention pour la majorité des organisations. De ce fait, les entreprises doivent chercher à contrôler et limiter l’exposition aux facteurs de risque reconnus en prenant action sur les déterminants de ces derniers. L’identification et le contrôle des déterminants des facteurs de risque peuvent représenter une activité préoccupante pour des employeurs chez qui certaines ressources (humaines, financières, etc.) sont limitées. Dans ce contexte, pour plusieurs employeurs, la tentation est grande de concentrer plusieurs efforts de prévention sur une approche individuelle visant à améliorer la capacité du travailleur en favorisant la pratique d’activité physique en milieu de travail.
Échauffements, étirements, exercices de renforcement musculaire sont donc des sujets d’intérêt pour plusieurs employeurs.
Plusieurs questions se posent :
- Quelle est l’efficacité de ces pratiques ?
- Quelle est la validité scientifique de ces pratiques ?
- Pour quel type de poste de travail, des exercices en milieu de travail devraient être envisagés?
- Etc.
Récemment, l’INRS a publié un article faisant état de la plus récente littérature scientifique sur ce sujet.
D’emblée, il faut faire la distinction entre les exercices d’étirements et les exercices d’échauffement.
- Échauffement
Exercice qui vise l’élévation de la température corporelle et des muscles qui seront sollicités durant l’activité.
- Étirement
Exercice qui vise l’amélioration de la mobilité articulaire par un allongement progressif du muscle au maximum de son amplitude.
Efficacité des exercices d’étirements
Dans la vaste majorité des programmes d’étirements observés en milieu de travail, on note que des exercices d’étirements statiques sont proposés aux employés. Cette méthode consiste à étirer progressivement le muscle, sans secousse, puis à maintenir le muscle étiré durant plusieurs secondes.
En somme, bien que les étirements statiques aient longtemps été perçus comme une pratique essentielle pour optimiser les performances physiques, Peck et al. (2013) ont conclu que, suite à une revue de la littérature scientifique, les étirements statiques diminuaient la performance physique en :
- réduisant la capacité et l’habileté à générer de la force;
- diminuant la vitesse de contraction et l’agilité;
- n’ayant aucun impact sur l’endurance physique.
De ces faits, chez Ergokinox Inc., nous croyons que la pratique d’exercices d’étirements statiques avant une activité de travail devrait être évitée.
Cette opinion est cohérente avec les conclusions de plusieurs auteurs qui concluent que les impacts des exercices d’étirement sur la prévention des TMS n’a pas été démontrée de façon concluante :
- Choi, S.D. & Woletz, T. (2010). Do Stretching Programs Prevent Work-related Musculoskeletal Disorders? Journal of Safety, Health & Environmental Research, 6(3).
- da Costa BR, Vieira ER. (2008) Stretching to reduce work–related musculoskeletal disorders: a systematic review. J Rehabil Med. May;40(5):321-8.
- (2003) Stretching at Work for Injury Prevention: Issues, Evidence, and Recommendations, Applied Occupational and Environmental Hygiene, 18:5, 331-338
- Silverstein, B. & Clark, R. (2004). Interventions to reduce work-related musculoskeletal disorders. Journal of Electromyography and Kinesiology, 14(1) 135-152.
Efficacité des exercices d’échauffement
En contrepartie, les échauffements pratiqués quotidiennement en entreprise ont fait l’objet de très peu d’études scientifiques.
En 2003, le Health and Safety Executive dans son document The principles of good manual handling: Achieving a consensus concluait qu’il n’y avait aucune preuve scientifique sur des effets bénéfiques des exercices d’échauffement pour diminuer les TMS lors d’activités de travail impliquant de la manutention de charges.
Même si leur efficacité sur la prévention des TMS n’est pas démontrée, les résultats de quelques études illustrent, de façon plus large, leurs effets bénéfiques sur la préparation physique et mentale, le renforcement de l’esprit d’équipe et l’opportunité offerte de diffuser des messages spécifiques à la santé et sécurité du travail. Par ailleurs, il est intéressant de noter que dans une étude parue en 2015, Goldenhar et al. ont démontré que 28% des travailleurs impliqués dans une programme d’échauffement pré-activité les considéraient utiles pour identifier les zones douloureuses et ainsi peut-être pour éviter une lésion plus grave.
En somme, il est important de noter que ces études n’ont en rien démontré de façon objective l’efficacité des exercices d’échauffement en regard de la prévention des TMS.
Conclusion
Conséquemment, compte tenu du peu de résultats probants, chez Ergokinox, nous croyons que la pratique d’exercices préventifs en milieu de travail devrait être envisagée uniquement en complément des moyens de prévention classiques visant une réduction du niveau de risque ergonomique dans l’environnement de travail.
En effet, nous pouvons conclure que les programmes d’exercices en milieu de travail ajoutent des coûts mesurables pour des résultats qui ne sont pas encore prouvés. En revanche, l’identification, la quantification et le contrôle des facteurs de risques des TMS et de leurs déterminants sont reconnus pour offrir des résultats bénéfiques pour réduire les TMS.
Dans ce contexte, une entreprise avec des ressources limitées qui souhaite investir dans la prévention des TMS, devrait s’attarder à des méthodes éprouvées visant l’identification, la mesure et le contrôle des facteurs de risque des lésions musculo-squelettiques.
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