Les données d’événements enregistrés sont certainement une boussole permettant d’identifier les postes critiques nécessitant des interventions pour la majorité des services de santé et sécurité au travail au sein des organisations.

Cette approche, bien qu’utile, comporte ses limites.

En se concentrant uniquement sur ces événements passés, de nombreuses organisations risquent d’invisibiliser les enjeux cruciaux n’apparaissant pas dans les statistiques, mais qui, néanmoins, causent des dommages à long terme.

Pourquoi les organisations utilisent les données d’événements enregistrés LMS ?

Les organisations ont comme objectif commun d’éviter les lésions musculosquelettiques (LMS), graves pour les travailleurs et coûteuses pour l’organisation. Une LMS, c’est un arrêt de travail prolongé, des soins médicaux coûteux, et dans certains cas, des limitations fonctionnelles. Pour l’entreprise, cela se traduit par une perte de productivité, une augmentation des coûts directs et indirects et un impact négatif sur le moral des employés.

Avant l’accentuation des enjeux ergonomiques à un poste de travail ou un département, les premiers indicateurs “ergonomiques” font surface tels les premiers symptômes d’une maladie. À ce moment, si les causes ne sont pas identifiées et corrigées, les troubles musculosquelettiques (TMS) peuvent évoluer en événements de LMS.

Instinctivement, une majorité d’organisations se fient donc principalement aux données d’événements enregistrés pour orienter leurs actions préventives à venir et cibler les postes sur lesquels intervenir. Bien que ces informations soient utiles, elles ne racontent qu’une partie de l’histoire.

Voici deux raisons pourquoi il est nécessaire d’aller au-delà de ces chiffres pour prévenir véritablement les TMS dans son organisation au lieu de seulement y réagir :

Le “healthy worker survivor effect” : un biais méconnu

Avez-vous déjà remarqué que certains postes difficiles semblent toujours occupés par les mêmes gabarits de travailleurs ? Ce phénomène appelé le « healthy worker survivor effect » peut fausser notre perception des risques réels touchant certains postes. Généralement, les employés qui persistent à l’emploi sont ceux pouvant le mieux tolérer ses conditions difficiles, tandis que leurs collègues plus vulnérables ont quitté ou simplement changé de .

Résultat?

Les statistiques d’événements impliquant des LMS pour ces postes peuvent paraître artificiellement basses, masquant la présence de véritables risques.

Enfin, un taux de roulement élevé ou la difficulté à attirer de nouveaux employés dans un département ou un poste précis sont des signaux d’alarme, n’apparaissant pas dans les statistiques LMS, que les gestionnaires ne devraient pas ignorer.

L’effort cumulatif : l’ennemi silencieux

Imaginez un travailleur ne manutentionnant aucune charge importante, mais qui, jour après jour, est soumis à des mouvements répétés ou des postures contraignantes sans jamais se plaindre ou s’absenter.

Sur le papier, aucun événement LMS n’est enregistré.

Pourtant, la charge cumulée au fil des jours, des semaines et des années fragilise progressivement son corps. Cette usure lente et insidieuse n’apparaît pas dans les statistiques d’événements, mais elle représente un risque réel pour la santé à long terme des travailleurs et la productivité de l’entreprise. Il s’agit d’une blessure cumulative.

Les gestionnaires doivent demeurer vigilants face à une incapacité fréquente d’atteindre les objectifs de production, cela peut être le signe d’une fatigue provenant d’une exposition trop importante à différents facteurs de risques.

Au-delà des chiffres : une approche globale et proactive

L’adoption d’une vision plus large et une attitude proactive est essentielle pour prévenir à la source les enjeux affectant les travailleurs.

Voici en quelques points l’approche d’intervention à préconiser pour anticiper les enjeux au lieu d’y réagir :

  1. Écouter vos travailleurs : Leurs perceptions et ressentis sont précieux pour détecter les problèmes avant qu’ils ne deviennent des statistiques.
  2. Établir un diagnostic : Cela permet de cibler précisément les problèmes à résoudre et établir des priorités d’action au-delà des événements enregistrés.
  3. Évaluer les contraintes, surtout celles qui souvent sous-représentés dans les données d’événements: Analysez les postes de travail pour identifier et documenter les facteurs de risque (biomécaniques/organisationnelles/environnementales), même en l’absence de plaintes.
  4. Passer à l’action : L’expertise se traduit alors en solutions concrètes et réalisables, en collaboration avec les travailleurs et les divers paliers de l’organisation.
  5. Réévaluer, former et sensibiliser : Une culture de prévention passe par la compréhension des risques par tous les acteurs de l’entreprise et un suivi des actions préventives permettant d’optimiser les investissements en prévention.

Bref, bien que les données d’événements TMS soient importantes, elles ne doivent pas être votre seul guide.